ITW : Madlib

Sur The Unseen, est-ce que la naissance du personnage Quasimoto date de la période où tu as découvert La Planète Sauvage ? Oui ! Bien sûr… Je t’explique. Un jour je vois dans un vidéo-club une cassette avec cette jaquette étrange. Je loue le truc, je me fume quelques joints et là je pète les plombs dès les premières minutes. J’ai regardé le film cinq fois de suite dans la même soirée !!! J’ai fait une nuit Planète Sauvage… Par la suite, j’ai acheté le film et cherché des courts-métrages de René Laloux et autres travaux musicaux de Alain Goraguer. J’ai commencé à inventer ce personnage (Quasimoto) pour plaisanter, mais toujours en ayant en tête ce film. Je me disais que Quaz pouvait être un personnage de La Planète Sauvage. J’ai fait un premier morceau pour m’amuser.
Je n’aime pas ma voix à l’origine, donc j’ai changé le pitch de ma voix. Et je trouvais que cela collait bien. J’ai donc continué à faire des morceaux dans cette lignée là. Peanut Butter et Dj Egon ont vraiment accroché sur ce personnage. Cela m’a boosté et j’ai continuer à le faire vivre… Je cherche d’ailleurs d’autres trucs de Goraguer, je sais qu’il y a une version DVD avec des court-métrages, je vais essayer de le trouver à Paris si j’ai le temps… Les dessins du gars arrachent bien (Roland Topor, ndlr)

Tu n’aimes pas ta voix mais tu rappes tout le temps…Y compris sur The Unseen et Champion Sound, où l’on retrouve tes deux voix, celle de Madlib et celle de Quasimoto. C’est surtout en qualité de producteur que je me sens à ma place. Je voyage mieux en tant que producteur. Je ne me considère pas comme un rappeur. Je pose sur mes beats, ok. Mais c’est surtout la composition de morceaux et d’instrumentaux qui m’intéresse. Les instruments et les beats, c’est ma came. Je bosse sur mes sons avant de penser aux lyrics. La plupart du temps, je fais du freestyle, je n’écris que très peu de textes...

A part pour Quasimoto… Il y a indéniablement une histoire à chaque morceau que tu fais pour Quaz, cela ne peut pas être du freestyle… Ouais ! Mais Quaz est un personnage différent. Sur The Unseen, tu sais, je parle à Quasimoto et il me répond. C’est mon pote et mon contradicteur, une sorte de poupée astronaute dont je suis le ventriloque. Il peut me rendre fou ou m’amuser, surtout lorsque je suis sous champignons. Mais il évolue dans un univers différent. Il n’a pas de pression. Il évolue avec les beats. Pour ses textes, j’écris en imaginant qu’il part sur une planète, comme celle de Goraguer tu vois ? La plupart du temps, quand je fais du Quasimoto, je fume de la weed ou je mange quelques champignons hallucinogènes. Je bosse à fond comme cela, avec de l’herbe et des champignons. Surtout pour Quaz, mais aussi pour mes autres productions. Sur React, ce morceau sur Champion Sound, je suis en « mode Quaz ». Sur cet album, c’est le titre où je me suis le plus pris la tête avec les lyrics… Souvent, quand je suis sous champignons ou sous weed et que j’écoute Quasimoto, je me dis : ce mec est plus fort que moi, il rappe trop bien avec sa voix de petit lutin dingue (rires convulsifs, ndlr) !!! Donc, j’arrive et j’essaye de collaborer avec lui en posant du Madlib. Quasimoto, c’est l’astronaute du hip-hop. Essaye de suivre ses paroles. Il te noie dans ses rêves. Je n’aime pas ma voix en tant que Madlib, je prèfère Quaz…

Tu samples beaucoup sans rien déclarer… N’as-tu jamais eu de problèmes de copyright par rapport à tes disques ? Les labels comme Stones Throw ne risquent pas grand chose. A part si du jour au lendemain on se retrouve à vendre comme 50 Cent, ce qui n’arrivera sûrement pas… Mais on est bien là où on est. Même si j’ai fait pas mal de samples grillés, je ne vends pas assez de disques pour être inquiété. Mis à part l’album sur Blue Note, je n’ai jamais déclaré aucun sample. Pour Shades of Blue, il était évident qu’il fallait déclarer des portions de morceaux. Mais les gars de Blue Note m’on dit que je pouvais faire ce que je voulais. Ils se sont ensuite occupé des copyrights et autres autorisations. Il y a des titres qui sont des reinterprétations de morceaux classiques, du Donald Byrd (Distant Land) ou Bobby Hutcherson (Montara), etc… Ce ne sont plus vraiment des samples mais plutôt des « respects musicaux » … Pour revenir sur Quasimoto, il en a rien à foutre qu’on sample ensemble tout et n’importe. Il kiffe et il emmerde le monde.

Dans un album comme The Unseen, on reconnaît tout de même de grosses tranches de la bande originale du film d’animation de Alain Goraguer, La Planète Sauvage… Tu n’as aucun scrupules à sampler de la sorte ? Ce film est un bienfaiteur. Je regarde ce film deux fois par mois, minimum. Ce film d’animation a changé ma vie. Je dis haut et fort que j’ai samplé la BOF de ce film et je n’ai jamais eu de problème. Je pense avoir été respectueux. Je pense qu’Alain Goraguer est un putain de génie. J’ai eu tellement d’idée en regardant son film que je lui suis redevable de beaucoup. J’ai même fait une bande originale hip-hop pour La Planète Sauvage. Je l’avais mis sur un cd, mais j’ai perdu ce cd, je ne sais plus où il est, ou alors il est sur un zip ou je l’ai prêté… J’avais composé une bande originale du film en fonction de chaque séquence, chaque dialogue. Il y a d’ailleurs quelques idées qui se retrouvent sur l’album The Unseen.

Tu as utilisé plusieurs alias dans ta carrière, c’est un phénomène qui ne date pas d’hier en hip-hop. Comment interprètes-tu ce désir de « changer de peau » qui existent chez bon nombre de rappeurs, de Kool Keith a Mf Doom, en passant par ODB ? ODB est un putain de rappeur, il défonce. Mf Doom est un putain de rappeur, il défonce. Ils ont mille idées, certaines très très bonnes, et il arrive à les mette en avant dans plusieurs projets à la fois, c’est bien pour eux et ca marche… Voilà. Maintenant j’aime vraiment les Mc’s qui sont capables d’assurer aussi à la prod. MF Doom est un très bon exemple…

Une dernière question, tu viens de recevoir une demande de remix par le groupe Radiohead, ca commence à bien marcher pour toi ? Tu sais Radiohead, je n’avais jamais entendu de morceau d’eux avant qu’ils me demandent de remix… Ca paraît débile mais c’est vrai. Les journalistes sont surpris quand je leur dis ca. Pourtant c’est vrai. Je suis ouvert à la musique, mais 350 jours sur 365 je fais de la musique et je fume de la weed depuis 10 ans mec. Je suis à l’ouest de plein de trucs. Je vis dans un bunker. Alors ces gars sont venus vers moi, ils font de la bonne musique. J’avais déjà fait un remix de Zero 7 et d’autres types assez connus. A Radiohead, je leur ai demandé une copie de leur album Hail to the thief et j’ai direct choisi le morceau Sit down stand up pour le remixer dans mon Bomb Shelter, mon home studio. Voilà. J’espère que vous l’écouterez en France et que vous apprécierez, je sais maintenant qu’ils y a plein de fans de Radiohead ici, tous les journalistes français me parlent de ce remix…

Propos recueillis par Josey Wales

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El Gyeah, lundi 16 février 2004 |