Ancien mentor de Dizzee Rascal et fer de lance du Roll Deep Entourage, Wiley vient de dropper l’album Treddin on thin ice. Etiqueté par XL Recordings, cette belle écurie britannique qui vient de fêter ses quinze bougies d’anniversaire, l’opus de ce producteur/rappeur est le fruit de plusieurs années de travail dans les caves de East London. Rencontre.
Que s’est-il passé avec Dizzee Rascal ? Il a quitté le Roll Deep Entourage de quelle façon ? Tout le monde pose toujours la même question... Dizzee est comme mon petit cousin. On a eu une grosse embrouille. Le Roll Deep Entourage est un groupe. Il y a eu des frictions. Voilà. On a fait beaucoup de choses ensemble. De nombreux shows, des freestyles un peu partout sur les radios anglais, des concerts assez chauds. De très beaux moments. C’est un jeune loup. Mais je pense qu’on va laisser un peu passer le temps et qu’on refera un jour de la musique ensemble. Dizzee et Wiley c’était un duo. Notre but était de pousser et de mettre en avant le Roll Deep Entourage, mais Dizzee a eu un succès énorme, très rapidement. Il s’est détaché (aussi rapidement) de nous et nous l’avons détaché de nous dans un même temps, peut-être aussi de façon un peu violente. Nous avons été signé tous les deux sur XL pour les mêmes raisons : nous venons de la rue, nous avons un son, nous produisons et nous écrivons. Ce mouvement attire beaucoup de gens. J’ai vendu plus de 100 000 disques en indé, je pense pouvoir grossir encore plus maintenant que je suis mieux distribué. Même si le but du jeu n’est pas de vendre beaucoup, je ne cracherais pas sur de bons gros chèques, car je suis dans ce « game » depuis pas mal de temps.
Sur le morceau Wot do U call It, tu t’en prends aux médias qui placent des étiquettes sur les mouvements musicaux. De quelle manière as-tu élaboré ce morceau ? Wot Do u call it ? C’est comme une réaction épidermique. Les étiquettes, c’est la spécialité des médias. « Garage », « 2 Step », « Musique Urbaine », « Trip-Hop », « New Garage », les journalistes perdent leur temps à ranger les artistes dans des cases. Je me souviens d’une interview de Tricky où il disait qu’il allait mettre un coup de poing au prochain journaliste qui lui parlerait de Trip-Hop (rires). Pour ce morceau, c’est une réaction épidermique, comme si un insecte m’avait piqué et que je l’écrase d’un coup de poing. Les journalistes qui arrivent à la traîne sont souvent rassurés quand ils tombent sur une feuille de presse qui leur indique « le nouveau son anglais c’est le 2Step, le Garage… ». Ils sont excités quand ils voient arrivés des gars de la rue qui font un son nouveau, un son frais. Ils ne peuvent pas s’empêcher de mettre une étiquette dessus, pour pouvoir le modeler, le ranger dans une case. On nous fout dans la même case que The Streets… Je ne comprends pas. Je n’ai pas d’animosité, mais je ne comprends pas. L’étiquette « Grime » revient aussi très souvent, mais ce n’est pas la même chose, c’est un terme que nous employons, entre nous, depuis longtemps. C’est encore une récupération. De toute façon, toutes les étiquettes sont faciles à arracher. Aujourd’hui c’est ça, demain ça sera ceci, cela, pipi caca... Dans mes textes, je parle de tout ce que je vis. J’ai eu des sales coups, j’ai pris des sales coups dans la gueule, aussi bien au niveau artistique que dans les rues de mon quartier, etc... Je ne vais pas épiloguer la-dessus. Le plus important, c’est que je me suis toujours relevé. Nous on est prêts à avaler tout le monde. On arrive avec notre son sans se soucier de quiconque.
Tes sons ont un grain spécial, une texture digitale qui se rapprochent des sons 8 bits et autres jeux vidéo... Bien sûr. Nous on est né avec des ordinateurs dans la gueule, des jeux vidéos partout, même si nous, on vient de la rue. Mais venir de la rue, ça veut pas forcément dire avoir une vie de clochards. On fait des sons. Le Roll Deep Entourage est accroc aux jeux vidéo, à la bonne bouffe, à la bonne weed, aux bonnes soirées, aux filles. Surtout les filles. D’ailleurs, ici, en France, nous, on cherche des filles. La prochaine fois qu’on vient ici, on restera plus longtemps. Il y a plein de belles filles à Paris. Tu connais des endroits ? T’as de la weed ?
Oui je connais des endroits, bien sûr, mais là vous ne restez pas assez longtemps. J’ai de la white widow. Tu roules ? Ok parfait. Ne mets pas de tabac stp.
Tu as signé sur le même label que Dizzee. As-tu eu, comme lui, d’autres propositions ? Oui. Cela fait longtemps que le Roll Deep Entourage attend cela. Je parle au nom de tous, car, contrairement à Dizzee, je pense avant tout au Roll Deep Entourage, à notre label Roll Deep, à ma propre famille musicale. Nous avons signé sur XL car ce label nous a donné une liberté artistique totale. On nous a pas demandé de faire telle ou telle chose, de changer tel ou tel morceau pour sonner plus beau, plus chaud, plus formaté pour la radio, etc… Cela fait pas mal de temps que pas mal de labels nous tournent autour, et on a toujours attendu, pour ne pas signer sur un label trop petit, ou trop gros. Pour XL, nous avons posé nos conditions et elles ont été acceptées. D’ailleurs, Treddin on thin Ice ne porte pas seulement le sceau de XL Recordings, il comporte également celui de Wiley et de Roll Deep
En parlant de concerts, le Roll Deep Entourage est habitué à la foule. Vous avez déjà fait de gros concerts et des raves… Oui. « Eskimo Dance » est connu dans tous les coins et recoins du Royaume-Uni. J’ai vendu un tas de disques, c’est grâce au mouvement et au travail avec mon ancien crew (Pay As You Go crew, ndlr) que je suis arrivé là. C’est un travail de longue haleine, on a bossé et posé dans plein d’endroits. Je suis actif à tous les niveaux. Je peux me faufiler dans une soirée house et placer ma musique. Il suffit d’avoir les contacts. C’est mon son Eskimo qui m’a fait avancer. Un son froid qui perce.
Tu viens de East London, il parait que c’est chaud là-bas, il se passe quoi ? Bah, des mecs se font buter. Le taux de criminalité est très élevé. Si tu te balades dans la rue, dans un coin sombre, tu risques de te faire embrouiller, dépouiller, ce genre de choses. C’est la rue, quoi. C’est chaud. C’est pas les beaux quartiers. Mais en même temps, tu peux très bien vivre heureux là-bas, puis bouger à Picadilly un soir et te prendre un coup de couteau dans la gorge (rires).
Tu n’aimes pas les catégories, mais si tu acceptes les interview de magazines hip-hop… Oui bien sûr… Il faudrait être fou pour refuser. Bien sûr qu’il y a des racines hip-hop dans ma musique, mais « hip-hop » est un terme qui vient des Etats-Unis. Moi je ne désire pas me coller dans une catégorie. J’ai d’ailleurs pas mal d’autres chats à fouetter. Je marche aussi pas mal avec des Mc’s qui viennent du ragga.
Quels est ton riddim le plus prisé en Angleterre ? Ice Rink ! Et pas seulement en Angleterre. Ice Rink plait aussi beaucoup en Jamaïque et dans le Dirty South…
En parlant des Etats-Unis, quels sont les artistes américains que tu apprécies ? J’aime beaucoup Timbaland et Kanye West. Ils ont leur univers. Les Neptunes aussi. Je compte travailler avec pas mal de gens du Dirty South. J’adore Ludacris, c’est un très bon Mc. Son flow peut se coller sur n’importe quel beat. Autrement, je n’écoute pas beaucoup de musique, à part si un gars du Roll Deep vient me saouler avec un son en me disant : « écoute cette prod, ecoute ce nouveau gars, etc… ».
Quels sont les projets de Roll Deep ? Nous allons sortir pour cet été (ou pour la rentrée) une double compilation avec un tas d’artistes de la maison Roll Deep et du quartier, de nouveaux talents et des gens déjà bien formés. Kano, Breeze, J2K, Riko, Tinchy Stryder, Sharky Major, Kano, Sniper, Slimzee, Danny Weed, Jammer, Bigga Man, Cage, Flowman et d’autres gars. Je ne peux pas tous les citer, on est plus d’une douzaine de Mc’s et y’a aussi les Dj’s etc… On va prendre notre temps pour donner un bel aperçu de notre son. On bosse aussi pas mal sur les concerts à venir. On va revenir ici, sûrement à la rentrée. A bientôt.